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TRANCHES DE VIES SAIGNANTES
29 octobre 2011

Maquettes et figurines - Première partie

Il avait eut l'imprudence de regarder à nouveau depuis le balcon. De regarder d'une autre manière, tout simplement. Il avait suivi des yeux la silhouette d'un homme qui traversait la place. Il le vit disparaître entre les immeubles d'une rue. Cet homme n'avait rien de particulier, sauf que ce dimanche c'était la seule personne qui avait attirée son regard. Il était tôt encore. Cet homme il l'avait déjà vu la semaine précédente et encore celle d'avant et aussi loin qu'il puisse se souvenir... Enfin ce qu'il n'avait pas encore vu, dans le sens ce qui n'avait pas été encore révélé à son esprit, c'était que cette personne qui se déplaçait sous ses yeux était comme un personnage de maquette. Ça lui rappelait les figurines de son enfance, lorsqu'il les déplaçait à son gré pour simuler une attaque, les faisant se battre et les renversant pour simuler la mort ( c'étaient des militaires que l'on proposait alors dans les magasins, enfin que lui achetait, car il devait sans doute y avoir également des fermiers, des pompiers, des buralistes et des chômeurs mais ça, ça ne l'intéressait pas ). Et bien, oui, très certainement, ces personnes réelles évoluaient comme ces moulages de plastique. De là à ne voir dans ces immeubles et ses rues et cette place qu'un décor... Il lui semblait aussi qu'il aurait pu déplacer les bâtiments, de grands pavés ou cubes, posés là géométriquement ; il savait que la ville avait été en grande partie détruite lors de la précédente guerre locale et la géométri rationnelle avait remplacé la géométrie intuitive des prmeiers temps. Tout avait été pensé ici, ce qui amplifiait l'effet artificiel de l'ensemble. De là à ne voir dans ces personnes que des figurines. Quelqu'un l'avait bâtie et y les avait placé. Mais les figurines de qui ? La maquette de qui ? Il fit attention à partir de ce moment, consigant ses observations. Heure, jour et trajet. La cafetière qui sort ses tables ; l'homme en finette qui caresse son chat sur le rebord de sa fenêtre ; le presque chauve avec son sac à dos attendant la tête basse devant l'entrée de son immeuble une fourgonnette ; le basset, le dog, le huski et leur maîtres respectifs ; l'homme qui tousse et qui arrose ses plantes... même les pigeons et les corbeaux ( les corbeaux ! Intelligents comme tout, et ben aussi les mêmes trajets, les mêmes pauses sur tel ou tel élément d'architecture... à en désespérer...). Il imaginait un artiste contemporain qui filmerait sur plusieurs semaines tous ces déplacements journaliers. Il ne serait ainsi pas le seul à constater que ces déplacements étaient identiques jour après jour. (Il faudrait juste trouver un moyen numérique d'éliminer les quelques figurine perdues par hasard dans ce décor, celles seulement de passage, habituellement attachées à un autre décor ; elles brouillaient les trajectoires quotidiennes, le tableau d'ensemble, si clair, si évident à qui savait regarder ). Était-ce à souhaiter ? Et si comme lui cela plongeait les observateurs éclairés dans un profond abattement ? Pour tout dire une dépression ? Si tout le monde sautait de son balcon ? Un défilé de candidats, des listes d'attente. En tendant le bras il aurait pu, un effet de perspective lui permettait de l'imaginer, toucher les voitures, les prendre et les faire se déplacer. Vroum, vroum. Toucher aussi les figurines, les ramener à lui, les déplacer plus vite, les bloquer, jouer avec. Toquer aux fenêtres des balcons. Il se faisait l'effet d'un Dieu. D'un adulte jouant à un jeu de gosses. Manquait plus que le train. Tchou tchou. À quoi bon se disait-il... Si on faisait un contre-champ, on verrait tous les jours au balcon du huitième un homme buvant du café, fumant, tapant quelques mots sur son ordi portable puis le refermant en hochant mollement la tête. Comme une de ces figurines. Un jour il vit une silhouette noire qui attirait l'attention comme le vol d'un corbeau dans un ciel blanc. Habillée d'un long manteau noir, de skie ou de cuir ( il n'arrivait pas à distinguer d'aussi loin ; il lui faudrait un moyen de mieux voir ), bottes noires genre rangers, cheveux courts et noirs. Oui, vraiment un corbeau déguisé en humain ou un humain déguisé en corbeau. Mais qui se serait retrouvé cloué au sol. Cela venait peut-être de ça cet air gauche, un peu perdu. Il faisait penser à un personnage de film qu'il faut citer pour bien donner à voir l'effet visuel de ce qui s'en suivait : Matrix. Et bien oui, un Keanu Reeve, un peu perdu dans cette bourgade, entre midi, faisant des allées et venues désoeuvrées, comme à la recherche de son contact. Il avait envie de lui hurler : Néo, je suis là ! C'est moi. John Smith. Monte un peu pour la castagne. Passant à ses côtés, un homme vêtu d'une chasuble de travaux orange, d'un pantalon de travail avec des bandes argentées sur les côté, ramassait les restes laissés au sol après le marché. Des deux figurines c'était bien celle qui avait un but dans la vie. Décalée. Pas à sa place. Ridicule du coup. Il en va de même pour tortues ces femmes en habits de nouvel an, de sorties en boîte. En plein midi. Souvent il en voyait. Elles marchaient vite, le regard haut. On aurait dit que si l'on se trouvait sur leur passage elles nous bousculeraient sans s'arrêter.
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